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Interview

.............CHEYCO LEIDMANN EXPOSITION

...................*appotycma*
Cheyco Leidmann met en scène un univers dérangeant à la fois érotique, burlesque et violent qui prend racine dans la rue. L'artiste aux huit monographies qui travaille en étroite collaboration avec Ypsitylla von Nazareth, présente en exclusivité pour EPE son dernier travail intitulé *appotycma*. Issue de l'acronyme de Apollonius de Tycme et se référant au mysticisme, cette exposition constituée de 26 images inédites renforce l'aura atypique et mystérieuse de l'oeuvre de Cheyco Leidmann. 1 / Quel but visez - vous avec ce nouveau travail que vous avez
baptisé *appotycma* ?
Je mets en forme un travail ultra réaliste, écrit et mis en scène. Il s'agit d'un travail radicalement féministe où le joli n'a pas lieu d'être. Je fais table rase du travestissement du miroir, j'élimine les détails sans importance et je révèle l'importance de l'abîme. Les protagonistes féminines expriment émotionnellement
et psychologiquement des réactions codifiées, en fonction de leur propre personnalité. En me fiant à mon goût pour la liberté, j'essaie de mettre en scène l'absurdité de notre époque. Quand
mon travail réussit à capter l'attention, j'ai le sentiment d'avoir accompli ma mission.2/ Des éléments récurrents apparaissent dans vos oeuvres,
comme piscines ou les oiseaux (spécifiquement dans *appotycma*).
Que représentent-ils?Une définition exacte de ces objets est impossible. Dans mes images, ces éléments sont quelques fois symboliques voire ambivalents mais ils ne sont en rien caractéristiques de mon travail. Ils sont là pour favoriser la compréhension en provoquant des réflexes instinctifs. Les objets que j'utilise participent souvent à une dramatisation sous-jacente. En décontextualisant et en élargissant les champs de la représentation, je laisse la porte ouverte au questionnements et aux doutes.3/ Avez-vous le sentiment d'exprimer votre inconscient à travers vos oeuvres?Mon subconscient est à la fois façonné par le cauchemar de la
réalité et le théâtre burlesque. C'est la rencontre des deux qui donne naissance à la spiritualité. Pour moi, la spiritualité est en effet très importante mais je la différencie de la religion, du « new age » et des croyances d'autres genre : le sacré c'est en fait le lien entre nos problèmes de tous les jours et le fait que notre planète est éternelle.
4/ Vous vous considérez comme un artiste visuel. Où se situe chez- vous la frontière entre photographie et artiste visuel?Je ne me catégorise pas. La photographie joue un rôle important en tant qu'instrument optique dans mon univers visuel mais elle n'est pas mon seul outil. Ma préoccupation est d'abolir les frontières entre les différents médias. J'ai d'ailleurs au cours de ma carrière diversifié mes pratiques avec le cinéma, l'écriture de scenarii, la performance et même cette folie qu'est le marketing. A partir du moment où toutes les œuvres d'art relèvent de l'image, il n'y a pas de frontière qui puisse les séparer.5/ Où puisez-vous votre inspiration?Je puise mon inspiration dans la rue. La rue ne dort jamais et de ce point de vue, elle est très astreignante. Cette inspiration, justement, ne peut être réduite à un endroit spécifique. Manhattan est un lieu de passage, contrairement à Long Island. A Miami Beach, chaque soir, des milliers de personnes sortent en boîte de nuit. Elles sont ainsi confrontées à la pauvreté des malheureux qui squattent et dorment dans la rue et à la criminalité. Ce singulier mélange entre la marginalité, la solitude et cette agitation ne suscite pas la compassion. Au contraire, cela effraye même les moins peureux. Travailler dans cet environnement pendant plusieurs années, comme je l'ai fait pour « Toxytt » est un engagement qui m'a exposé au danger.
(Cheyco Leidmann a été agressé plusieurs fois au cours de son travail. En 2009, une violente agression l'a plongé dans le coma.)
6/ Vous travaillez principalement aux Etats-Unis. Votre art

relève-t- il de la culture américaine?Il n'y a pas d'ingrédient typiquement américain dans mon travail car les personnes avec qui je travaille ne sont ni des objets ni des sujets. De même, la souffrance ne se limite malheureusement pas à une zone géographique. Elle est partout. Mon travail ne peut ainsi être réduit à une étiquette qui en l'occurrence serait celle d'un art américain. Mon travail a une dimension beaucoup plus vaste.7/ Vous vivez également à Paris. De quelle manière cette ville Paris influence-t-elle votre travail?Je suis une personne cosmopolite. J'ai d'ailleurs le sentiment de
vivre sur une planète étrangère, comme si j'étais dans un pays
étranger. La vie de tous les jours est une grande source d'inspiration. Celle-ci prend également racine dans des oeuvres comme Les femmes à trois yeux de Picasso, les montres de Dali, le Cabinet du Docteur Caligari et Les Diables de Ken Russel*.
La richesse multiculturelle et artistique de Paris est indéniable. Elle force l'inspiration. *Apollonius de Tycme était un philosophe, prédicateur et grand
voyageur grec du 1er siècle. Il fut comparé à Jésus de Nazareth.
*Le Cabinet du Docteur Caligari est le film manifeste de
l'expressionnisme allemand de Robert Wiene, 1919.
Le film Les Diables de Ken Russell traite de la religion, de
l'inquisition et de la sorcellerie sur fond de vérité historique.
C'est un pamphlet contre l'intolérance religieuse qui est à la fois
violent et érotique. Caroline Gautron